20.8.11

Le mépris



Monsieur, vous ne respectez rien, dit le silencieux majoritaire au saltimbanque irrévérent. Vous raillez mon travail, insultez ma famille et charriez ma patrie.
Vous ricanez de mes idolâtries en croix, des mes rabbins frisés, de mes prophètes enturbannés. Qu’un rut impie vous taraude, et vous mettez la main au cul sacré des vierges fluo qui flottent au fond des grottes des Hautes-Pyrénées.
Vous pouffez sur mes drapeaux froissés et sur l’honneur au champ duquel tombent encore au Liban mes enfants sacrifiés aux bienséances guerrières de toute éternité.
National ou populaire, vous vous moquez du front. Mais le peu d’estime que vous inspire la République ne vous retient pas de narguer dans le même panier les Bourbons écartés, les Orléans démis, ou les Habsbourg d’Autriche-Hongrie.
Qu’un veuf bouffi principautaire, inconsolable sur son rocher immobilier, se mêle d’applaudir aux brames déchirants de sa cadette handicapée, et vous tonitruez d’abjecte hilarité.
Vous appelez un chat un chien, et donnez aux longues et cruelles maladies des noms de crabe nécrophage qui font peur aux transis. Vous n’avez nul souci de la sueur ouvrière, ni des sursauts boursiers.
« Permettez-moi de vous contredire, s’écrie l’iconoclaste assis sur les valeurs admises. Il n’est pas vrai que je ne respecte rien. N’en prenez pas ombrage et veuillez bien me croire : j’ai le plus profond respect pour le mépris que j’ai des hommes. »

Pierre Desproges, Le mépris.