17.8.11

Lacrimosa


Souvent les vieux pleurent mal. Leurs larmes sont radines. Le filet d’eau trop mince ne parvient plus à faire relief sur la joue, où il ne roule pas mais s’épuise immédiatement. Cette évaporation instantanée a quelque chose de fascinant: on cherche le truc, la ficelle, on demande à voir l’intérieur de leurs manches. Mais rien que la vieillesse. Il n’y a plus pour eux de torrents possibles. Jamais plus ils ne prendront le masque bouillonnant de l'orage. L’âge est passé des remous impétueux dans lesquels les cils battants s’ébrouent comme des bêtes affolées. Comme si leur corps sec n’avait déjà plus de jus. 
Louées soient les coulées abondantes, comme le signe encore d’une force souterraine. Bénis ceux qui trempent leur col ou la manche entière d'un t-shirt amical; heureux les aptes aux chutes grondantes -bonnes à alimenter Paris en électricité-, les disposés aux grandes eaux, à la pleine mer. 
Toujours je me réjouirai de fuser en baleine quand le vieux poisson-chat secoué de sanglots désertiques ne laissera sur la jetée pas la moindre auréole.