31.1.11

Full contact


Il l’attrapa et la baisa sur la bouche, puis sur tout le visage, comme un animal assoiffé qui se jette à coups de langue sur la source qu’il a fini par découvrir. 

F. Kafka, Le procès, chapitre 1.

1.1.11

Remerciements affectés


Je tiens à adresser ici de chaleureux remerciements à ce troupeau de proches qui s’approchèrent tant et si bien de moi qu’ils me permirent de les vampiriser un bout.
C’est à cet honorifique titre que je salue donc tout d’abord mes parents, grâce à qui je suis pâte à modeler plastique, point trop facile à rouler, mais épousant volontiers la première forme de vie venue sachant un peu s’y prendre.
Par ordre chronologique d’affectation, je me dois de remercier dès à présent ma sœur C., qui m’a fait aimer tout ce qu’elle aimait puis ne plus l’aimer, connaître le rock puis le mépriser haut et fort au profit du reggae,  rejeter les crevettes et vouer un culte aux petits pois…bref : trouver mes goûts, en choisissant d’abord les siens ou leurs exacts opposés, avant d’apprendre la nuance et l’individuation. Qu’elle sache néanmoins que si je m’acharne aujourd’hui à porter des baskets, c’est à elle qu’en revient tout l’honneur.
Je remercie avec beaucoup d’émotion P., qui a su me faire ouvrir les bras plus grand que jamais. Ce qui précède valant aussi pour mes jambes. Sans le rempart de douceur qu’il avait tendrement construit entre moi et moi, je ne serai pas exactement moi-même aujourd’hui.
J’exprime également une entière gratitude à G. et F., qui ont eu la présence d’esprit de ne pas m’affecter, et de rester bien loin de qui je suis.
Qu’il soit dit que D. fut mon Anakin Skylwaker sur la voie de la force. Il m’a montré le premier ce qu’est une rencontre véritable, et de vivre aujourd’hui sous l’ombrage paisible de sa sûre amitié est un bonheur dont je me surprends à ne jamais oublier la valeur. Si un jour il devient comme il en caresse l’idée ébéniste, qu’il sache que je me considère comme sa toute première sculpture, et que je l’aime beaucoup.
Merci à H. : elle est l’instigatrice de la coiffure que j’ai portée de 13 à 19 ans.
J’adresse encore mes sincères remerciements à A., pour la naïve, constante et vitale confiance dont il a toujours fait preuve à mon égard. Pouvoir me baigner de temps en temps dans la sérénité et la certitude qu’il manifeste quant à mon propre destin n’a d’égal que les douches en compagnie de son torse.
Ma reconnaissance va bien entendu aussi à C. pour son exigence, à A. pour l’exemple de sa superbe norme vitale, et à V. pour ses blagues sur les crocodiles.
Merci également à B., intermittente importance de ma vie, pour m’avoir montré à quel point je pouvais encore être affectée dans un moment où je prenais le rugueux chemin de la brique. En revanche, je m’autorise à ne pas remercier B. pour avoir su m’affecter si négativement, ni pour la nocivité dont il a, soit dit en pensant et afin de lui rendre la justice que toute ma magnanime bienveillance veut bien lui accorder : sans malignité aucune, fait preuve à mon égard.
Une pensée pour N. et S. : je leur dois beaucoup.
Tant que j’y pense, ma gratitude va aussi aux réalisateurs de La science des rêves, The life aquatic, Dawson, L’anguille et Princesse Mononoké pour m’avoir tiré des torrents de larmes aussi décalés et improbables qu’abondants, et sur  l’origine exacte desquels je m’interroge encore aujourd’hui. Ma reconnaissance va dans une moindre mesure aux réalisateurs de Bambi, Titanic, Le roi lion et Submarino, car j’ai de suite compris comment ils avaient compté et réussi à me faire chialer.
M. est une teigne : je profite de l’occasion qui m’est ici donnée pour le lui dire ouvertement.
J’adresse encore de tendres salutations à B., S. et T. , vers qui je sais pouvoir me tourner quand j’ai besoin de pomper à la source un calme qui me fait parfois défaut.
Mes remerciements distingués ne vont pas à toutes  les inocuités qui ont eu l’étourderie de croiser imperméablement ma route. Qu’ils portent sur eux toute la responsabilité du ratage de ces fausses rencontres, et l’étanchéité résolue que ma complexion pulsionnelle a opposé à leur débile présence.